Les kiosques se raréfient, la distribution coûte cher et les
invendus se multiplient dans les points de vente. Cette crise structurelle
de la presse papier pousse les éditeurs, notamment les news
magazines, à repenser leur modèle de distribution et leurs relations avec leurs
lecteurs. A l'Obs, l'avenir passe par la diversification
et l'accélération numérique, nous détaille Dominique Nora, directrice de la
rédaction.
L'événementiel pour renouer
les liens
Avec une diffusion en baisse des ventes en kiosques de 30%, l’Obs subit de plein fouet la crise
du papier et la remise en question du modèle éditorial des hebdomadaires
politiques. Partie de ce constat, la direction a mis en place un comité de
diversification volontaire pour décliner la marque sur de nouveaux
formats. A compter du 25 avril, l’Obs
organise 2049, un grand projet journalistique porté sur la société
de demain, à travers des regards d’experts, de prévisionnistes, d’entrepreneurs
ou de philosophes. Cette initiative donnera lieu à des soirées-rencontres dans
plusieurs villes de France, des articles sur les tendances technologiques du
futur dans le magazine et un numéro spécial qui synthétisera les scénarios de
la vie dans 30 ans. « Jusqu’à présent,
nos événements étaient déconnectés de la production éditoriale. 2049 est un
projet structurant en collaboration avec tous les services de la rédaction, qui
vise à rétablir la relation avec les lecteurs », nous
explique Dominique Nora, directrice de la rédaction.
Une diversification tous azimuts
Outre l’événementiel, la stratégie de diversification passe par de nouvelles
formes de narration, notamment audiophoniques. L'Obs a lancé l'été dernier Au coeur du crime, une série de cinq podcasts sur de grandes
affaires judiciaires avec leurs protagonistes. Côté édition, l'hebdomadaire
propose la collection Apprendre à
philosopher, qui réunit des ouvrages de grands penseurs. L'Obs s'engage également dans
le domaine de la culture, à travers un partenariat avec le
festival de théâtre Paroles citoyennes, organisé par le producteur
Jean-Marc Dumontet du 18 février au 25 mars dernier. « Ces initiatives ont pour but d’augmenter
les revenus ou d’engager la marque dans le débat sociétal, pour non plus
décrire les problèmes mais montrer les solutions, en accord avec notre ligne
éditoriale social-démocrate, progressiste et soucieuse d’un optimisme de combat
», développe Dominique Nora.
Une rédaction ressoudée, portée sur le terrain
Depuis sa nomination en mars 2018, l'ancienne grande reporter spécialisée dans
les nouvelles technologies a remanié les rédactions pour les transformer en
bimédia. Les 90 journalistes rédacteurs ne sont plus divisés selon le print ou
le Web, mais en services thématiques. La production d’articles pour les abonnés
payants numériques a doublé en un an. «
Ces papiers sont mis en ligne sur le site en Web-first et la moitié est
republiée sur le print », ajoute Dominique Nora. Les journalistes du
Web, auparavant cantonnés à du flux en temps réel, sont désormais mobilisés sur
des formats plus fouillés et plus motivants. « Ils vont tous en reportage, se font des contacts à l’extérieur ou
passent des coups de fil. Cette réorganisation instaure un mentorat réciproque
entre les cultures journalistiques, une énergie nouvelle avec le sang neuf des
journalistes Web plus jeunes qui pouvaient jusqu’à présent ronger leur frein. »
Les abonnés numériques, un relais de croissance incontournable
L’objectif de cette stratégie, commune à toute la presse et plus
particulièrement aux titres du groupe le Monde, maison-mère de l'Obs :
renforcer la qualité éditoriale des éditions numériques pour recruter des
abonnés payants. Le quotidien du soir s'appuie sur une base de 117 000
abonnés numériques, ce qui le place dans le trio de tête des éditeurs français,
tandis que Télérama vient de lancer une application mobile payante (6,99
euros) qui vise 100 000 abonnés dans les cinq ans. En 2018, l'Obs comptait
en moyenne 8 413 abonnés numériques, contre 11 550 pour l'Express, 22
800 pour le Point et 1 842 pour Marianne (déclaration sur
l'honneur, ACPM 2018). « A
ce jour, nous comptons 11 000 abonnés purement numériques et 50 000 abonnés
print ont activé l’offre numérique », nous précise Dominique Nora. L'hebdomadaire
propose un abonnement à 4,90 euros par mois ou 12,90 euros pour
l'offre intégrale print/Web. Il suffit de consulter la page d'accueil pour
constater les résultats de cette stratégie : les articles siglés d’un A jaune,
pour « abonnés », sont
particulièrement visibles et valorisés. La quasi-totalité des articles de Rue89
sont d'ailleurs passés en mode restreint. « La baisse de la diffusion des hebdomadaires est structurelle et
dépenser de l’argent en marketing des kiosques n’est plus rentable,
estime Dominique Nora. Le papier n’est
pas mort mais il nous faut trouver le bon mode de synergie entre le print et le
Web, qui intervient en complément, pas au détriment. »
Mathilde Joris