L’événement
La diversité média construit l’esprit citoyen et le sentiment démocratique
Aux Etats-Unis, des études de Local news initiative (université de Northwestern) ont démontré que l’absence de médias sur un territoire a des conséquences sur l’abstention et favorise les votes extrêmes. C’est pour mesurer l’impact de possibles déserts médiatiques en France que les Relocalisateurs et la fondation Jean-Jaurès ont réalisé une étude pour recueillir les habitudes et les opinions des Français sur six grandes thématiques liées à la pratique de la démocratie. Et la conclusion est sans appel : « il existe un lien central et structurant entre la consommation des médias et l’attachement aux valeurs démocratiques et à l’engagement citoyen », souligne Alexis Goujon, le directeur général des Relocalisateurs.
Un lien central entre consommation médias et attachement aux valeurs démocratiques
C’est la principale conclusion de l’étude. Les individus qui consomment régulièrement de l’information manifestent un niveau plus élevé d’adhésion aux valeurs citoyennes et ont une participation électorale plus soutenue (84% de votants à la plupart des élections, contre 61% seulement chez ceux qui en consomment faiblement ou pas du tout), et un engagement plus affirmé dans la vie collective (27% des consommateurs médias s’investissent dans la vie communale, contre 13% pour ceux qui s’informent peu ou pas par les médias). « A la lecture des résultats de l’étude, j’ai été surpris de la façon dont les médias façonnent des gens citoyens, explique Jérémie Peltier, codirecteur de la fondation Jean Jaurès, mais aussi à quel point les Français apprécient les médias locaux ».
Les médias locaux inspirent confiance, mais sont fragiles
A la question « quels types de médias utilisez-vous pour vous informer sur l’actualité », les Français plébiscitent la télévision nationale, Internet et les réseaux sociaux, mais les médias locaux sont également très prisés. « Cette attention portée à leur présence dans les régions s’explique par les atouts que les Français leur reconnaissent », note Alexis Goujon. Leur principal atout ? Faire entendre et connaître différents points de vue (la qualité la plus largement reconnue, à 83%), devant leur proximité avec les préoccupations des citoyens (à 80%). Ils aident aussi à comprendre le monde (77%) et, dans une moindre mesure, à prendre des décisions (64%). « Les médias locaux bénéficient d’une confiance considérable (73%), ils sont perçus comme relativement fiables et pertinents, mais leur indépendance reste questionnée par certains (37%) », nuance Jérémie Peltier.
Mais les médias locaux sont aussi fragiles : 37% des Français déclarent avoir constaté la disparition d’au moins un média local dans leur région. La télévision locale est la plus affectée (19%), suivie par les médias numériques (15%), la presse écrite (13%) et la radio (13%). « Ce qui confirme que la tendance bien réelle à la disparition des médias locaux ne passe pas inaperçue aux yeux des Français », insiste Alexis Goujon.
Un lien un peu moins fort avec les enjeux sociétaux
L’étude met également en évidence un lien, un peu moins fort, entre consommation médias et enjeux de société. Pour chacune des six thématiques analysées (l’engagement sociopolitique, la participation électorale, la perception du personnel politique, les valeurs citoyennes, les enjeux de société et la perception du territoire), « un score a été calculé pour synthétiser la richesse d’informations fournie par l’enquête et apporter une preuve quantitative avérée des liens qui existent entre médias et engagement citoyen », poursuit-il.
Le score d’investissement sociopolitique, qui met en lumière la capacité d’action concrète au niveau local (initiatives, projets collectifs, mobilisation de proximité), est clairement lié à la consommation des médias, mais il est également fortement corrélé à des profils sociodémographiques jeunes et urbains.
L’analyse du score de participation électorale confirme un rôle structurant de l’information : les électeurs les plus assidus sont aussi les plus attentifs aux contenus médiatiques.
La perception du personnel politique, globalement très négative, est partagée de manière homogène par l’ensemble des profils sociodémographiques et de consommation des médias. « On note juste une légère indulgence du côté des partisans des partis politiques modérés, souligne Jérémie Peltier. Cependant, l’impact des médias sur cette dimension de la vie démocratique n’est que peu avéré ».
Le score des valeurs citoyennes, qui traduit le degré d’adhésion aux principes fondamentaux de la démocratie (égalité, respect des droits, acceptation des règles communes), est plus élevé chez les consommateurs réguliers d’information, que ce soient des consommateurs de médias locaux comme nationaux.
Le score des enjeux sociétaux mesure la manière dont les Français se positionnent face aux grandes causes actuelles, au pouvoir et aux institutions. Il traduit leur niveau de confiance, ou de méfiance, vis-à-vis des sources d’information et des discours publics. Ce score est un peu plus élevé chez les consommateurs réguliers de médias.
Enfin, la perception du territoire s’explique avant tout par le clivage rural/urbain, bien plus que par des différences de consommation des médias.
Didier Falcand




