L’événement
« La PHR organise son 50ème congrès à Paris pour
améliorer sa visibilité »
Le syndicat de la presse hebdomadaire régionale (SPHR) organise cette semaine (les 12 et 13 juin) à Paris son 50èmecongrès annuel. « Un rendez-vous historique pour célébrer un demi-siècle d’engagement au service des territoires et construire ensemble l’avenir de la presse de proximité », nous explique son président, Pierre Archet, dans un grand entretien aux Clés de la presse. Comme son titre (La PHR, une histoire d’avenir) l’indique, ce congrès 2025 se positionne entre tradition et modernité. L’occasion pour les éditeurs, leurs équipes et les partenaires de la filière (institutions, prestataires et autres familles de presse) de dénicher contacts, informations utiles et cas pratiques pour se projeter dans les 50 ans qui viennent. Entretien.
Les Clés de la presse. Comment avez-vous appréhendé ce 50ème anniversaire et pourquoi avoir choisi Paris, une ville où il n’y a pas de titre de presse hebdomadaire régionale, alors que vos congrès sont traditionnellement organisés par l’un de vos adhérents ?
Pierre Archet. La PHR est la seule famille de la presse d’information générale à organiser un congrès annuel. S’il se déroule traditionnellement en province à l’invitation d’un hebdo, le SPHR s’est symboliquement invité à Paris pour son 50ème congrès, dans le but d’y faire entendre la voix de nos quelque 245 médias locaux et de leurs 14 millions de lecteurs, au plus près des lieux de pouvoir et de décision. Presse de la ruralité, des petites villes et des villes moyennes, la PHR ne compte effectivement pas d’hebdo à Paris intramuros, mais quatorze titres sont publiés en Ile-de-France. Ce 50ème anniversaire est également l’occasion de rassembler autour de nous les autres composantes de la presse d’information générale (PQR, PQD et PQN) avec lesquelles nous parlons d’une même voix depuis 2018 au sein de l’Alliance et, plus largement, l’écosystème dans lequel évolue la presse écrite.
Pourquoi avez-vous intitulé ce congrès La PHR, une histoire d’avenir ?
P.A. Car si nos titres portent un héritage de presque quatre siècles depuis la création de la Gazette par Théophraste Renaudot, ils innovent et se réinventent en permanence au service d’une idée moderne : le journalisme. L’ouverture du congrès, organisé dans le cadre prestigieux de l’Hôtel des Italiens, sera d’ailleurs marquée par l’inauguration d’une exposition retraçant cette histoire jusqu’à l’époque contemporaine. Réalisée avec le Centre de la presse installé dans le Cher, au cœur du Berry, elle témoigne du rôle particulier joué par cette presse de grande proximité, étroitement associée à l’histoire de notre pays à travers les époques, celui d’un animateur central du débat démocratique, d’un maillon essentiel au développement et au maintien du lien social, mais aussi d’un vecteur indispensable de la diffusion culturelle au plus grand nombre, jusqu’au hameau le plus éloigné du plus petit village.
Quels principaux enjeux allez-vous aborder lors de ce congrès ?
P.A. L’intelligence artificielle sera le fil rouge de ces deux journées, sous un format de networking inédit jusqu’à présent dans nos travaux, puisque nos éditeurs et leurs collaborateurs pourront successivement rencontrer des experts couvrant une part importante du spectre de l’IA rapporté à un média local (RH, contenus) mais également à travers deux tables rondes : l’une de mise en perspective des enjeux de ce bouleversement encore balbutiant, qui représente aussi une opportunité si nous savons l’exploiter et si elle est correctement régulée ; l’autre consacrée aux applications pratiques de l’IA déjà à l’œuvre dans nos journaux.
Autre priorité, la lutte contre les déserts informationnels qui apparaissent en Europe après avoir dévasté de nombreux comtés des Etats-Unis. Le préalable de sa réussite est le soutien par les pouvoirs publics et les acteurs économiques à une activité stratégique à bien des égards : le journalisme de proximité. Les investissements publicitaires des grands annonceurs et des acteurs publics (Etat et collectivités territoriales) seront traités dans une table ronde au titre un tantinet provocateur : comment la pub peut sauver la démocratie. La PHR, média du dernier kilomètre, est effectivement le premier maillon du continuum de l’information qui part souvent du local, c’est-à-dire des colonnes de nos hebdos ou de nos supports numériques, pour irriguer ensuite le Moloch médiatique, d’abord à l’échelon régional, puis au niveau national. Nos médias, qui constituent la garantie d’une information fiable, professionnelle et vérifiée, revendiquent leur rôle de rempart ultime contre les déserts de l’information et de fantassin de première ligne contre les fake news (« bobards » en bon français). Il s’agit d’un enjeu fondamental dans la protection de notre modèle démocratique, alors que la maîtrise du narratif revêt une dimension stratégique dans la guerre économique et dans l’affrontement hybride que les puissances autoritaires imposent aux démocraties.
Or les grandes marques et de trop nombreuses collectivités locales tiennent un discours citoyen vantant le local et le circuit court… mais privilégient les grandes plateformes et le hors-média pour leurs campagnes. C’est aussi le cas de l’Etat, qui élève l’influence dans le Top 6 des priorités de la défense nationale, ce qui fait clairement de la presse d’information une industrie stratégique, mais fragilise nos entreprises en fléchant massivement ses investissements communicationnels sur les plateformes étrangères qui captent d’ores et déjà plus du tiers du marché publicitaire français. Nous attendons davantage de cohérence. C’est d’autant plus incompréhensible que la PHR bénéficie d’une audience qui fait d’elle la troisième marque nationale de presse.
A côté de la publicité, votre modèle économique repose aussi sur la diffusion. C’est pourquoi le thème de l’abonnement est très présent dans ce congrès.
P.A. Malgré la baisse tendancielle de la vente au numéro, en grande partie due à l’attrition des points de ventes (-35% en deux décennies), nous avons la conviction qu’à la différence des quotidiens, l’avenir de notre modèle de diffusion payante à court et à moyen terme repose encore majoritairement sur le papier. Nous aborderons ce sujet à travers quatre ateliers, notamment en étudiant l’outil de marketing éditorial que constituent nos unes (« Les secrets des unes qui marchent ») et à travers le développement de nos portefeuilles d’abonnés, papier et numérique, car nos marques ont une formidable capacité à convaincre leur communauté. Encore faut-il là aussi que l’Etat assume sa responsabilité vis-à-vis de la Poste, dont la qualité de service qui ne cesse de se dégrader et les revendications tarifaires hors-sol font courir un risque létal à nos portefeuilles d’abonnés.
Enfin, nous aborderons l’enjeu du recrutement. Nos entreprises sont très majoritairement des TPE et des PME et éprouvent des difficultés croissantes à attirer et à fidéliser des talents dans des zones moins attractives que les métropoles, notamment pour les jeunes. Or, davantage encore peut-être que dans d’autres activités économiques, l’animation d’un média est avant tout une aventure humaine, qui requiert des compétences de plus en plus pointues. De surcroît dans un marché de l’emploi très tendu, nous devons être plus performants dans nos techniques de recrutement et dans le parcours professionnel que nous proposons à nos futurs collaborateurs.
Plus globalement, qu’attendez-vous de ce congrès ?
P.A. En venant à Paris faire entendre la voix de la France des zones rurales, des petites villes et des villes moyennes que nous incarnons, nous comptons améliorer la visibilité de la PHR, média du pays réel, auprès des pouvoirs publics, de l’écosystème médiatique et publicitaire parisien, comme des annonceurs des grandes marques, qui nous connaissent mal car nos titres, s’ils sont très puissants localement, pâtissent d’un déficit de notoriété auprès des décideurs nationaux. Par ailleurs, au-delà des sujets partagés avec nos partenaires de l’Alliance, nous avons des intérêts et des préoccupations spécifiques qui doivent être mieux identifiés pour orienter notamment la décision publique au plus près des réalités du terrain. Il s’agit aussi de sonner le tocsin : l’Etat consacre moins de 200 millions d’euros d’aides directes à la presse d’information générale, c’est à dire moins que la simple rallonge budgétaire accordée l’an dernier à France télévisions. Ce déséquilibre est une insulte au bon sens et à l’équité. Un véritable « plan Marshall » de la presse d’information politique et générale est indispensable.
Comment se porte la PHR en 2025 ?
P.A. Nos médias sont à l’image du reste de la presse écrite. Confrontés à l’érosion des ventes papier, à la chute de leurs revenus publicitaires dont la moitié a d’ores et déjà été captée par les Gafam en dix ans, à la recherche d’un modèle économique sur le digital, ils doivent parallèlement assumer l’augmentation continue des charges en sus de l’inflation normative et réglementaire qui accable toutes les entreprises françaises. Si la PHR n’a pas attendu pour entreprendre sa mutation et innover, faire pivoter nos modèles économiques est désormais une urgence vitale. Si la spectaculaire concentration opérée par notre filière au cours des deux décennies précédentes se poursuit plus lentement, nos titres devront cependant accroître les coopérations et la recherche de synergies pour se développer et, parfois même, pour survivre. Pour autant, la PHR a des atouts exclusifs car nous incarnons la proximité, valeur refuge en hausse constante chez nos concitoyens face à la perte de repères provoquée par le grand « chamboule-tout » : désordres nés de la globalisation, fracturation de la communauté nationale, évolutions sociétales souvent imposées par des élites déconnectées du réel, élargissement du fossé entre la France des métropoles et la France dite périphérique, sentiment croissant d’exclusion, etc. Nous sommes les fantassins de première ligne dans la guerre contre les déserts de l’information. La fermeture récente de deux hebdos dans l’est de la France devrait alerter les pouvoirs publics, locaux et nationaux, sur le risque représenté pour notre architecture démocratique et pour l’animation du lien social dans des zones du territoire national parfois très fragilisées.
Propos recueillis par Didier Falcand