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Le marché publicitaire a accéléré sa croissance en 2024, dans une année atypique
Pour les médias qui traversent depuis plusieurs mois une crise publicitaire, le bilan 2024 a de quoi surprendre. Selon le bilan du Baromètre unifié du marché publicitaire (Bump) présenté le 12 mars par l’Irep, France pub et Kantar, leurs recettes publicitaires nettes ont en effet progressé de 7,7% par rapport à 2023 (et même de 24,7% depuis 2019), à 18,924 milliards d’euros. « 2024 restera comme une année atypique, reconnaît Christine Robert, directrice déléguée de l’Irep, grâce à l’impact positif d’événements sportifs majeurs, particulièrement les Jeux olympiques, mais également grâce à la forte dynamique digitale et à ses synergies avec l’ensemble des médias ». Décryptage.
Une année à plusieurs visages
Ce bilan 2024 est d’autant plus difficile à analyser que l’année a été marquée par une très forte accélération des investissements publicitaires au cours des trois premiers trimestres et un très net ralentissement sur les trois derniers mois. Signe de ce millésime à deux vitesses, les cinq médias (presse, télévision, radio, affichage et cinéma) avaient dépassé, à fin septembre, leur niveau de 2019, mais ils ont finalement terminé l’année en recul de 2,9% par rapport à l’avant-Covid, à 7,365 milliards d’euros. « Le bilan est tout de même positif (+2,1%) par rapport à 2023, souligne Xavier Guillon, le directeur général de France pub. Sur l’ensemble du marché de la communication, la croissance est très nettement au-dessus de l’évolution du PIB (+0,9%). Cela fait vingt ans que je n’avais pas vu cela. C’est notamment dû aux 500 millions de l’effet JO ». Pour lui, il est aussi très rare d’enregistrer autant d’écart entre tous les leviers de communication : l’événementiel a ainsi progressé de 17,6%, à 5,5 milliards d’euros, quand la presse a décroché de 5,3%, à 1,677 milliard d’euros.
Le digital reste un moteur de croissance
Sans surprise, la publicité digitale reste une valeur sûre de la croissance du marché, puisque ses recettes ont encore progressé de 14% l’an dernier, à 10,973 milliards d’euros. « Cette bonne santé est bien sûr portée par les grandes plateformes digitales et sociales, qui représentent 75% de l’ensemble et 91% de sa croissance, admet Christine Robert, mais le digital média est aussi en grande forme ». Sur le seul périmètre de la télévision, de la radio et de la presse, les recettes numériques ont atteint 755 millions d’euros, en hausse de 16,7% par rapport à l’année précédente. « Elles ont été multipliées par deux en cinq ans, pour atteindre 13% de part de marché », précise-t-elle, grâce notamment à l’essor du digital audio (+22,7%, à 43 millions d’euros) et, surtout, du digital vidéo (+32,4%, à 391 millions d’euros). Avec le DOOH (les recettes numériques de l’affichage), le digital média dépasse pour la première fois la barre symbolique du milliard d’euros (+16,5%, à très exactement 1,066 milliard).
Publicité extérieure, télévision et radio tirent leur épingle du jeu
Les écarts observés entre les leviers de communication peuvent aussi l’être pour les médias. Parmi ceux qui s’en sont le mieux sortis, la publicité extérieure affiche une croissance de 7,6%, à 1,383 milliard d’euros, grâce au dynamisme du digital et du transport, qui a profité des JO pour surperformer. De son côté, « la télévision se porte bien, tous les feux sont au vert », estime Christine Robert, avec une croissance de 4,5% sur un an (et de 3,5% par rapport à 2019), à 3,523 milliards d’euros. Le parrainage, notamment, a profité d’une belle embellie avec une hausse de plus de 10%. « La durée publicitaire a légèrement progressé (+0,8%) l’an dernier, nuance Zaïa Ferhaoui, head of marketing & PR insights de Kantar média. Après un premier semestre positif, la télévision a subi un coup de frein au dernier trimestre ». Quant à la radio, elle a conservé le niveau de ces dernières années (+0,9%, à 728 millions d’euros). « Sa digitalisation rapide (avec des recettes multipliées par trois en cinq ans, NDLR) a permis de compenser le recul du local », précise Christine Robert.
La presse toujours en souffrance
Pour la presse en revanche, les années se suivent avec des recettes nettes en baisse (-5%, à 1,654 milliard d’euros). Le recul est même de 19,5% par rapport à 2019. « Le début de l’année avait été meilleur, avec un premier semestre convenable, mais le dernier trimestre, très difficile, a plombé l’année, souligne Xavier Guillon. Il faut dire que la décélération du marché a commencé plus tôt dans la presse que dans les autres médias ». Contrairement aux autres médias, le digital, tout juste stable (+0,6%), n’a pas permis de compenser la baisse de la publicité commerciale et des petites annonces, même si ses recettes ont été multipliées par 1,5 en cinq ans. Là encore, toutes les familles ne sont pas logées à la même enseigne.
La presse quotidienne nationale est la seule à progresser par rapport à 2023 (+1,8%, à 197 millions) et à rester au-dessus de 2019 (+3,8%), grâce à ses performances sur le digital, qui représente 30% des recettes (+3 points en un an).
La presse quotidienne régionale, elle, a vu ses recettes baisser de 4,2%, à 469 millions d’euros, à cause d’un marché local et extralocal en berne. « Le digital a encore progressé l’an dernier pour atteindre 20% de part de marché », précise Christine Robert, mais la famille a abandonné 21,4% de ses recettes nettes depuis cinq ans.
La presse hebdomadaire régionale souffre encore plus en abandonnant 8,6% en un an (et 20,3% en cinq ans), à 78 millions d’euros.
La presse magazine a enregistré un recul de 7,1% sur un an et de 21,3% par rapport à 2019, à 510 millions d’euros. « Pour cette famille, la fin d’année a été impactante, car la baisse a été plus forte que sur les neuf premiers mois de l’année, poursuit-elle. Et le luxe n’y est pas pour rien ».
La presse spécialisée a également perdu 7% de ses recettes publicitaires, à 206 millions d’euros, en raison de la baisse de tous les leviers, y compris le digital.
La presse gratuite, enfin, affiche un repli de 3,8% par rapport à 2023, à 194 millions d’euros (et -27,4% en cinq ans). Sur ce marché, seule la presse des collectivités locales est en bonne santé.
Un marché de la communication stable en 2025
Pour 2025, les experts du Bump misent sur une stabilité du marché publicitaire. « Nous devrions assister à un rééquilibrage après une année exceptionnelle, anticipe Xavier Guillon. Les annonceurs, petits et grands, que nous avons interrogés, n’ont pas prévu de coupe drastique dans leurs budgets de communication malgré les incertitudes économiques et politiques mondiales ». Ce qui peut changer, c’est le choix des leviers qu’ils privilégieront. Selon le Bump, le marché global de la communication devrait légèrement progresser de 0,5%, à 35,9 milliards d’euros, quand les recettes des cinq médias pourraient baisser de 0,5%, à 8,3 milliards d’euros. Quant aux onvestissements dans le digital, ils devraient croître de 8,2%, à 11,3 milliards d’euros.
Didier Falcand