Une stratégie passée au crible
Anne-Sophie Novel lance un nouveau média local expérimental
Le projet est né il y a trois ans d’une réflexion sur le traitement des enjeux écologiques dans les médias. « Malgré tous nos efforts de pédagogie, l’écologie est devenue un sujet de fracture et de polarisation dans la société », déplore Anne-Sophie Novel, dans un entretien aux Clés de la presse. Pour cette journaliste spécialisée dans les alternatives écologiques et les médias, cela sonne comme un constat d’échec. Pire, « nous sommes tous condamnés si l’on n’agit pas différemment ». Pour faire bouger les lignes, sa conviction est « de partir du vécu des habitants sur un territoire pour parler des enjeux écologiques ». C’est l’ambition d’Ismée, « un média local indépendant exploratoire, libre et participatif, pensé pour recréer du lien, raconter autrement le territoire et retisser la confiance dans l’information ». Ambitieux.
Un journalisme d’écoute et de dialogue
Partant du principe que « les médias doivent créer du dialogue », les fondateurs du projets (Anne-Sophie Novel et le photographe Ivan Mathie) sont d’abord partis à la rencontre des habitants de leur territoire (l’Entre-deux-mers, dans le Bordelais, là où ils habitent), pour comprendre leurs attentes, leurs envies, leurs besoins, et leur rapport à l’information. « Sur cette zone, nous avons la chance d’avoir des communes rurales, périurbaines et urbaines, où les réponses ne sont pas les mêmes », souligne-t-elle. Ismée (un nom qui évoque l’isthme, entre la Garonne et la Dordogne) veut y pratiquer un journalisme d’écoute et de dialogue, à travers des récits immersifs, des enquêtes cartographiques, des portraits et des formats hybrides. Le projet prévoit aussi des rencontres, des conférences, des projections, des débats ou des ateliers « pour faire vivre l’information hors écran ».
Une offre éditoriale variée et plurisupport
Dans cette logique, l’offre éditoriale se veut résolument variée. Elle a commencé, depuis le début de l’année, par une newsletter mensuelle, pour engager le dialogue et commencer à présenter, articles et contenus à l’appui, les ambitions d’Ismée. Elle se déclinera bientôt sur un site Web qui accordera une grande place aux portraits (de personnes, d’initiatives, de lieux et de paysages), aux photos et autres illustrations, sans oublier un agenda d’événements culturels. Elle sera complétée en septembre par le lancement d’un journal papier trimestriel, avec des récits illustrés, des cartes détachables et des reportages. « Ce n’est pas forcément le choix le plus attendu au départ, reconnaît Anne-Sophie Novel, mais c’est un prétexte pour aller sur les marchés, dans les écoles, les librairies ou les médiathèques, en laissant un support, qui peut aussi être le prétexte de rencontres ». Ismée proposera aussi des podcasts et des ateliers d’éducation aux médias, pour les jeunes comme les adultes, « pour mieux faire comprendre la fabrique de l’information ».
Un modèle économique fondé sur l’abonnement et des subventions locales
Le journal papier est aussi essentiel dans le modèle économique du média, dont la publicité sera absente et l’accès au site et à la newsletter gratuit. « C’est ce qui m’a fait prendre le plus de temps », assure Anne-Sophie Novel. Une opération de financement participatif vient tout juste d’être lancée (sur Hello asso) pour amorcer la constitution d’un portefeuille d’abonnés (70 euros les 4 numéros, ou 22 euros un numéro avec la newsletter), avec un objectif à 20 000 euros. Parallèlement, pour boucler un premier budget de 80 000 euros, les fondateurs d’Ismée comptent sur les aides à la presse, les bourses d’émergence ou les subventions locales. Créée en 2024, l’Asso d’Ismée a déjà obtenu une subvention de la Drac et une aide de l’université de Bordeaux, pour documenter de façon scientifique la transition écologique sous tous les angles (la mobilité, l’habitat, la santé, l’éducation, l’alimentation…). « Nous sommes au cœur des enjeux de la démocratie locale », insiste-t-elle.
Didier Falcand